La Révolution verte en Inde : un miracle en demi-teinte
Dans les années 1950, l’Américain Norman Borlaug, Prix Nobel de la Paix en 1970, mit au point les premières Variétés à Hauts Rendements (VHR) à l’Office of Special Studies, au Mexique. Testées d’abord sur place, ces variétés, notamment de blé, seront ensuite exportées en Asie du Sud, en particulier en Inde, dont l’insécurité alimentaire est alarmante.
La Révolution verte commence en 1964, le Ministre de l’Alimentation et de l’Agriculture indien engageant alors une réforme des structures de recherche et d’administration agricoles. Nommé à la tête de l’Indian Agricultural Research Institute (IARI) cette même année, Monkombu Swaminathan, un agronome généticien indien, entreprit de tester des variétés de blé mises au point par Norman Borlaug dans quelques villages : les résultats furent impressionnants, et les rendements triplèrent dans ces parcelles. En 1966, alors que le pays connaissait une famine liée à trois années de sécheresse entrainant de multiples émeutes de la faim, 18 000 tonnes de semences furent importées depuis le Mexique. Une VHR pour le riz fut également achetée aux Philippines. Dans le même temps, l’Etat indien mit en place une véritable politique agricole: en conséquence, l’irrigation fut systématisée, et l’Inde mit également en place une politique de mécanisation du secteur agricole. Tout ceci permit de rendre le pays autosuffisant d’une façon remarquable et ce dès 1975. Aujourd’hui, l’Inde est l’une des toute premières puissances agricoles mondiales. Sa production de blé est passée de six millions de tonnes en 1947 a environ 75 millions aujourd’hui, et ce constat s’applique aussi pour le riz, le lait, etc.
Mais ce type d’agriculture a aussi ses mauvais côtés : le modèle agricole traditionnel de l’Inde fut délaissé, l’utilisation d’engrais chimiques et de produits phytosanitaires a entrainé une forte pollution des sols et réduit la biodiversité, et la systématisation de l’irrigation a épuisé les nappes phréatiques. Cela apparaissait nécessaire, tant les VHR sont gourmandes en eau et peu résistances aux divers insectes. Le Punjab, où les rendements ont augmenté de 6% par an dans les années 1970, est à ce titre un exemple marquant, malgré qu’il soit devenu l’un des Etats les plus riches d’Inde, puisque l’empoisonnement se retrouve d’ailleurs dans les corps humains et provoquent de multiples cancers. Et tandis que les rendements diminuent à cause de la détérioration des sols, les produits chimiques sont de plus en plus utilisés pour y faire face, d’où un cercle vicieux, alors que la population indienne continue de croitre à un rythme soutenu. Enfin, la Révolution verte a surtout profité aux grandes exploitations capables d’investir, mais peu aux petits agriculteurs, d’où des dissensions sociales.
Aujourd’hui, l’Inde envisage de nouvelles pistes, telles que les OGM. Mais le principal problème en matière de nutrition reste la pauvreté dans laquelle vivent des millions d’Indiens. Ce dont a besoin l’Inde, c’est d’une nouvelle révolution verte, plus durable, sociale, et respectueuse du milieu naturel : c’est ce que prône M. S. Swaminathan, qui a émis le souhait d’une « evergreen revolution ».
A noter : l’expression « Révolution verte » est due à William Gaud, membre du Département d’État des Etat-Unis, et date de 1968.